#RDC 21 Janvier 2018: ciel limpide à l’aurore – ciel coloré au soleil couchant
Chers lecteurs, tout en vous transmettant nos vœux de paix et de bonté à vous ainsi qu’à vos proches, je partage avec vous ce récit décrivant un tout petit peu comment on a commencé l’année dans mon pays. C’est une période tumultueuse que nous traversons, cela dure mais qui sait? Tout douleur d’enfantement finit par créer un immense bonheur lorsqu’on scrute le sourire de tout nouveau-né.
Récit d’une fervente charismatique catholique: Jeanne Cirimwami
Eu égard ma grande piété pour la félicité ; il est des types de questions qui ne se posent pas chez moi, au jour d’aujourd’hui. Faut-il que j’aille à la messe aujourd’hui ou pas? Depuis belle lurette, à moins d’avoir un malaise gaillard de santé ; tous les jours que Dieu fait, je participe aux messes matinales. Un jour du Seigneur, de surcroît, rien ne pouvait m’empêcher de m’acquitter de mon devoir dominical ; louer Dieu pour ses bienfaits dans ma vie.
Ceci expliquant cela, je suis allée à la messe hier à la Cathédrale Notre Dame du Congo. La veille, ayant été briefée- j’ai fait comme tout le monde, acheter la margarine pour oindre le visage au moment M – mesure édictée par les marcheurs accoutumés au gaz exaspérant –coloré-asphyxiant des forces de police –
Un ciel clair, un air frais, les cris d’oiseaux au rendez-vous, la matinée était sans éclats et d’apparence sans histoire, hélas. Après une toilette rapide, à pieds, seule je commence mon chemin. Arrivée chez mon voisin (un protestant pratiquant), je toque-en vain- à sa porte. L’avant-veille, il était enthousiaste à l’idée de se joindre aux chrétiens de l’Eglise Catholique Romaine pour une célébration exceptionnelle. L’appel des Laïcs pour dire OUI à l’avènement d’un Etat de droit en #RDC.
En plein milieu de chemin, je me rappelle que je n’ai pas pris avec moi la carte dite d’identité chez nous (carte d’électeur). Sans vasouiller, je fais demi-tour à la maison et récupère ma carte. De nouveau sur mon chemin, je réalise le retard consommé, je me résous à prendre un transport souple (wewa). J’indique la destination au taxi-moto (wewa), regard examinateur de mon interlocuteur.
Madame, aujourd’hui, il me semble que … je ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase ; allons-y svp!
Je foule les pieds dans l’enceinte de la paroisse, un journaliste me reconnaît et me demande ; allez-vous arriver jusqu’au bout du programme du jour ? Mon esprit est lucide, je réponds : je suivrai les instructions des princes de l’Eglise (les célébrants de la messe). Aussitôt après, j’aperçois un ami médecin accourant parce qu’en retard comme moi. Je l’interroge, mais Dr tu es protestant, sa réponse est fascinante : ma chère ; le sacrifice ultime pour l’avenir de mes enfants c’est maintenant. Catholique ou pas, je me joins à la voix de la justice.
Parmi les cent choses que je rêve faire avant de mourir ; il y a au premier point la devise : vivre chaque jour comme s’il était le dernier. Un rêve, un idéal, une utopie créatrice d’énergies et de foi inébranlables que la minute qui t’es donnée à vivre est précieuse comme de l’or. Tous nous passerons, mais les actes que chaque humain fera dans l’intérêt commun resteront gravés les cœurs des milliers de génération. L’Evangile du jour ressemblait un peu à ma devise. « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » (Mc 1, 14-20) Mon intention n’est pas de prêcher, alors je continue en vous épargnant des commentaires sur le prêche, dans l’espoir que vous avez eu les mêmes lectures que nous, le dimanche 21.
La messe prend fin, les directives de la marche sont rappelées par le Curé, nous nous mettons en rang, visage reluisant de margarine, rameaux verts bordeaux frais, crucifix bois pimpant, bibles moyens grands, rouges ou bleus en mains…
150 à 200 mètres parcourus, chantant à tue-tête des cantiques d’espoir et de foi en la miséricorde divine. De mon for intérieur, je jubile, me disant mais personne ne nous dérange, c’est donc facile la marche de justice ; que nenni. (Soudain je vois les autres fidèles devant moi à genoux. Je ne sais décrire exactement l’état de mon âme ce jour là, mais j’étais physiquement là mais mon esprit ailleurs, où je n’ai pas de réponses).
Je fis la même chose quand je vis au loin la barrière des forces de l’ordre et en un clin d’œil une autre barrière de la police derrière nous. Encerclement stratégique. Mon cœur se met à battre, un sentiment de regret s’empare de moi, je le repousse promptement.
Mains dans la main, aux côtés d’une quadragénaire-légionnaire de marie, voix grave, taille imposante, corpulence d’une institutrice dévouée et de mon ami médecin, nous suivons à peine les échanges de l’officier de la police avec le Curé. Cinq, dix, quinze, vingt minutes après, le Curé s’adresse à la foule ;- qui dans l’entre-temps poursuit ses chants, par moment acclament, prient, s’agenouillent, se relèvent, bref chacun de marcheurs affichait un moral d’acier face à la cause- l’opprimé qui se lasse de l’oppression et manifeste dans la non violence- et déclare ; bien-aimés en Christ, retournons à la paroisse pour prendre d’autres directives ; vague de protestation des fidèles ; nous n’avons rien fait Monsieur l’Abbé, l’objectif c’est d’arriver au point de chute et lire le mémorandum laisse s’échapper une choriste habillée aux couleurs du cardinal Mosengwo.
Le temps pour le curé de dissuader les fidèles, la police lance plusieurs bombes lacymogènes en plein milieu des marcheurs. Gaaaaaaaaazzzzzzzzzzzz, vapeur, larmes, une toux nationale !!!!
Une sorte de black out, je ne me souviens pas très bien des moindres gestes, dans le monde où je me suis retrouvée en trois instants ; il eût un calme apparent ou du moins mes oreilles étaient comme bouchées, je voyais des gens courir ça et là, les gaz lacrymogènes jetés indistinctement, la débandade totale, les acolytes n’ont pas eu le temps de ranger le crucifix, la Bible, le sauve qui peut ! Mais qu’avons-nous vraiment fait pour mériter ça ?
Je repris conscience, le curé entouré des forces de l’ordre, mon ami médecin, je ne sais plus où, certains marcheurs téméraires protestaient, d’autres se sauvaient, ils passaient par-dessus ma tête, mon chapelet tombât, je le reprit du sol sans croix, oh quel dommage, l’instinct de protection, je pris la poudre d’escampette, la barrière érigée devant nous à ASSANEF était presque levée par certains policiers qui nous chuchotaient ; sauvez-vous !!! Ceux-là étaient vraiment patriotes car d’autres se précipitaient à chiper les sacs (dont la plupart contenaient les matériels liturgiques j’imagine) et les téléphones des marcheurs.
Dans l’intervalle de trois minutes, en groupe, on se retrouve dans une maison située juste à côté du commissariat de police de la commune de Lingwala, l’hôte, la cheffe du ménage est compatissante et dénonce la barbarie policière évitable … je me mets à assister une fille, la vingtaine blessée et qui avait eu l’outrecuidance de ne pas imbiber son front du vaseline patriotique, le beurre à gaz ! Vingt minutes plus tard ; on remercie notre hôte et on se décide rentrer à la maison ; c’est là que nous avons avions assisté à une très grave violation des droits humains. Nous nous sommes refugiés plus de trois fois dans d’autres maisons étant donné les tirs gaz lacrymogènes insoupçonnés aux coins des avenues où des familles se regroupaient observant et saluant le retour des marcheurs, des enfants, des personnes âgées ont été victimes depuis leurs résidences des jets de gaz, pourtant situés loin des Eglises.
La providence aidant, j’ai regagné la maison, deux heures plus tard, j’ai pris conscience que mon habit était déchiré et trois de mes côtes touchées, narines asphyxiées. Un ciel clair s’est donc assombri par des actes répréhensibles, soif de justice !
Morale de la leçon ; il y a plus d’honneur à être marcheur quand des libertés fondamentales sont menacées. Exiger le respect des engagements des serviteurs du peuple est la preuve redoutable de l’amour pour sa patrie. Manifester dans la non violence est constitutionnelle, réprimer sans lois est une grave violation des droits humains, laisser tolérer cette situation est aussi condamnable au même degré que ceux qui ignorent les droits basiques. La lutte a commencé ; plus rien n’arrêtera les fidèles surtout que leurs bergers sont dans la danse !
« Il passe, ce monde tel que nous le voyons » (1 Co 7, 29-31)
Récit d’une fervente charismatique
Jeanne Cirimwami
PS: Récit partagé en exclusivité sur notre blog avec la permission de l’auteure