Lettre Ouverte D’une Congolaise A Madame Fatou Bensouda
Après 96 mois de procédure devant la CPI, Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président congolais, reconnu coupable, car « pénalement responsable » de crimes graves commis par ses troupes du MLC (groupe rebelle à l’époque) en RCA, 6 mois durant entre 2002 et 2003. Un premier cas à la cour, un grand pas!
A Madame la Procureure de la Cour Pénale Internationale, RCA
Félicitations chaleureuses pour votre audace,
Zo Kwé Zo est un mot prononcé quotidiennement en RCA qui veut dire : un Homme vaut un Homme. Il n’existe pas de sous-hommes ni de super-hommes, des hommes, simplement. En RSA, par contre, on parle de Umuntu ngumuntu ngabantu ; Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous.
Je vous baigne dans cette mémoire collective africaine parce que quelque part, j’ai eu à constater une injustice dans nos valeurs. Personne, -vous êtes la pionnière- n’a jamais songé à lever l’ancre de ce dogme pour établir une sacralité de la personne humaine en mode de vie.
Depuis mon jeune âge, on m’a appris que le chef est une légende qui incarne la vérité et qu’il n’est jamais en faute, même s’il omet de sanctionner des fauteurs de troubles. Il est donc considéré comme tel, et il jouit d’une immunité démesurée.
On ne m’a appris pas les noms des chefs, mais uniquement leurs qualificatifs : votre honneur, sa majesté, ô roi, être réverentissime …
Au final, j’ai réalisé que le Ubuntu se limitait à un clan aristocrate. Le citoyen moyen demeure une victime éternelle. Personne pour prêter oreille à son besoin. Une erreur monumentale.
Madame la procureure,
Aujourd’hui j’apprends chez vous un nouveau qualificatif à attribuer à un chef africain, VOTRE RESPONSABILITÉ, précédé bien évidemment de l’empathie.
Un bon chef assume ses responsabilités même quand c’est pénible.
En rendant justice aux milliers de victimes centrafricaines,
Vous avez rompu la chaîne de l’indignité qui sévissait en Afrique jusqu’ici.
Aujourd’hui plus que jamais, le sang de l’innocent, le cri du vulnérable et le gémissement de la victime quel que soit son statut social chutera vers une cour pour réparation. La Cour Pénale Internationale.
Par cette reconnaissance de culpabilité d’un ancien dignitaire au Congo, vous passez un message fort à ceux qui se considèrent maîtres absolus, puissants, intouchables et régnant sur des vies sans aucune crainte. Une méthode belliqueuse et inacceptable qui prenait des dimensions inquiétantes dans nombre de pays africains. Des rebellions récurrentes à tout vent et tout bout de champs. Personne pour stopper la tragédie funeste des hommes sans cœur aux appétits gloutons du pouvoir. S’ils veulent le pouvoir des humains, ils n’ont qu’à recourir aux moyens pacifiques et non violents connus depuis des lustres, les élections.
Madame la Procureure,
Vous êtes un soleil qui fait son apparition sur la planète sombre où l’injustice luisait et l’inhumanité gagnait l’espace. Une consolatrice des âmes éplorées. Une main puissante qui corrige l’irrespect de l’humain pour toute raison que ce soit.
N’en déplaise à tes détracteurs qui revendiquent le renversement de la pyramide dans les poursuites contre les grands poissons, grosses légumes en occident. Chaque voyage commence par un pas, puis deux, puis trois… Jamais deux sans un.
Avec toute gratitude, je demande à la Cour Pénale Internationale, en plus de son objectif traditionnel -mettre fin aux exactions, punir les bourreaux, lutter contre l’oubli, et dissuader les criminels potentiels de commettre des crimes de guerre, des génocides et autres crimes contre l’humanité- de s’impliquer pour l’étouffement dans l’œuf de tout quelconque autre conflit meurtrier dans le monde.
Vous avez mon soutien total dans votre lutte.
Longue vie.
La voix de l’espoir.