Au pays des larmes, les héros sont tués. R.I.P colonel Mamadou Ndala
RDC, 2 janvier 2014, jour du crime abominable. L’acte ignoble s’exécute à Ngadi, village situé à une dizaine de kilomètres de la ville de Béni, du territoire éponyme en province du Nord-Kivu. Le convoi qui transportait le commandant du 42e bataillon de l’unité de réaction rapide (URR) des Forces armées de la RDC (FARDC), Mamadou Mustapha Ndala (le vaillant héros) et nombre de ses gardes sont la cible, Dieu sait d’où c’est parti « d’une attaque à la roquette par des inconnus.»
Le bilan est très lourd. Ils sont tous tués. Un coup dur et une perte lourde pour la population congolaise qui adulait cette unité de l’armée congolaise après sa victoire écrasante sur le Mouvement rebelle du 23 mars (M23) dans les territoires de Nyiragongo et Rutshuru au Nord-Kivu après vingt mois de guérilla. Un nième acte provocateur cynique infligé au peuple congolais qui pourtant croyait déjà au changement en sa faveur (L’armée régulière renforcée et la paix rétablie). Que dalle !!!
Chers lecteurs, si j’avais le choix (ce qui n’est pas le cas, hélas), mon premier texte de l’année 2014 ne serait pas publié sur une note de deuil et de profonde tristesse. Que d’émotions !!!
« Les morts ne sont pas morts, … ils sont dans la foule »
Alors que j’étais concentrée dans la lecture de mon œuvre bréviaire « Le petit prince » de Antoine de Saint-Exupéry, à plus de mille miles de ma ville prisée, (la majestueuse et fascinante ville de Goma), la nouvelle est tombée dans mes oreilles avec une telle déflagration psychologique que je suis restée sans mot.
J’étais effondrée, éplorée, déchirée, blessée à l’idée que jamais je ne reverrais ce monument, baobab, grand conquérant digne de fierté nationale qui à mes yeux était né le même jour que le Roi Soleil. Tout le monde le sait, il a ensoleillé les vies des milliers de Congolais qui n’espéraient pas revivre le temps de la gloire et de la grandeur de son armée au pays des larmes (guerres d’agression multiples, tueries, viols, massacres, …)
Non seulement ils ont tué un innocent, mais également, ils l’ont enterré loin de sa terre natale. Trouvez l’erreur ?
Non dites moi que c’est un rêve cauchemardesque.
Il n’en est rien de tout cela. Le voile du rêve est levé quand je pénètre dans le camp militaire Kokolo, à la 11e région militaire des FARDC à Kinshasa, lundi 6 janvier 2014. Je vois en face de moi des centaines de milliers de personnes, visage triste et plein d’amertume, costumes noirs, lunettes de soleil. Toutes venues rendre un dernier hommage à celui qu’on appellera désormais feu colonel Mamadou Ndala. Décoré général de brigade à titre de posthume. L’émotion est totale. Des larmes tombent sur mes joues, mon voisin de gauche se souvient : « Jamais je n’ai rencontré, un officier aussi vaillant que Ndala. Il remontait le moral de ses troupes à chaque fois que cela était nécessaire, il avait un courage exceptionnel et croyait en l’avenir radieux de ce pays, paix à son âme ». Après des discours élogieux teintés d’hypocrisie, on achemine son corps au cimetière de Kitambo, où il sera enterré selon le rituel de sa religion musulmane.
Pour paraphraser Birago Diop, la sommité africaine d’origine sénégalaise dans l’un de ses contes célèbres ;
« Ceux qui sont morts ne sont jamais partis
Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire et dans l’ombre qui s’épaissit, les morts ne sont pas sous la terre : ils sont dans l’arbre qui frémit, ils sont dans le bois qui gémit, dans l’eau qui coule, dans l’eau qui dort, dans la cave, ils sont dans la foule, les morts ne sont pas morts ».
« … Pour les rois, le monde est très simplifié. Tous les hommes sont des sujets » ***
« … car le roi tenait essentiellement à ce que son autorité soit respectée »***
« … Le roi qui était tout fier d’être enfin roi pour quelqu’un ».*** Le Monarque absolu.
Les exemples des crimes non élucidés au Congo sont légion : le colonel Mamadou Ndalale en 2014, le célèbre artiste musicien du Gospel Alain Moloto en 2013, le défenseur des droits humains, Floribert Chebeya en 2010, le général d’armée Félix Budja Mabe Nkumu Embanze, etc.
Les enquêtes enclenchées pour trouver les mobiles et les auteurs de tous ces crimes sont restées lettre morte. Aujourd’hui plus que jamais, le peuple congolais est éveillé et exige que tous ces crimes soient punis selon la rigueur de la loi. NOS YEUX SONT OUVERTS. Halte à l’impunité récurrente au Congo. La justice doit faire son travail.
« Mais comme il n’existe pas de marchands d’amis, les hommes (nos politiques) n’ont plus d’amis. »***
« Les grandes personnes sont décidément très bizarres. »
C’est de la pure forme d’irrationalité pour nos élites africaines que d’être irrités quand un de leurs citoyens se distingue dans son travail en faisant preuve de courage exceptionnel et de loyauté. Elles (élites) devraient plutôt trouver au travers de ces actes de bravoure, un motif de fierté. Pour le cas type du meurtre de Mamadou Ndala, je suis tentée de dire qu’on nous a arraché comme dans un rêve, l’espoir d’une armée dissuasive au Congo, espoir de dignité, de grandeur. Mais vite je rectifie mon tir, on peut tuer un homme, mais pas ses idées ; ainsi martelait Fidel Castro.
La mort de Mamadou n’était pas prévisible comme le pense une certaine opinion
D’aucuns sont confiants, le soldat entraîné qu’était Mamadou n’a pas fait preuve de tact et de vigilance après que lui et son unité ont infligé une cuisante défaite à la rébellion du M23. Si on analyse à fond cette thèse, l’on devrait donc comprendre qu’il était interdit (pour notre armée) de remporter une victoire sur des rebelles au Congo et que si jamais cela arrivait, l’on devrait se sentir coupable plutôt que mourir.
Steve Bicko écrivait : « Plutôt que vivre longtemps pour une idée qui mourra, mieux vaut mourir pour une cause qui survivra ». La dignité d’un peuple n’a pas de prix.
C’est ma conviction. N’est-il pas écrit dans la Bible que : « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée; et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » ? Mathieu 5 : 15, 16 Mamadou Ndala était une fontaine dans le désert (chaos congolais). Le politique congolais a éteint par un coup de vent l’unique lampe qui éclairait la case du Kivu!!! Leçon ; il faut bien protéger nos lampes.
Un héros, ça n’a pas de défaut
Que Mamadou (36 ans révolus) ait eu trois femmes (il fût un fervent musulman) et dix enfants, qu’il (avec quelques membres de son unité, info à vérifier d’ailleurs) ait pris fuite en Ouganda lors des combats intenses brouillés par des ordres hiérarchiques anarchiques, cela n’enlève en rien l’estime et la considération que nous lui devons.
Peuple congolais, un héros, un martyr, ça se respecte. Ses pensées, son idéologie, sa lutte (nouvelle forme d’engagement citoyen) se transmettent de génération en génération. Son nom ainsi que celui de ses alliés et autres soldats tombés en servant loyalement le pays demeureront inscrits en lettres d’or dans nos cœurs, en signe de respect à notre histoire. Un peuple sans histoire, est un peuple sans âme.
Je suis optimiste, notre armée garde son moral et elle est prête à poursuivre dans la loyauté et avec un courage rare le combat contre les ennemis de la paix.
L’armée est pour un pays fragile (comme l’est de la RDC) ce qu’est le sang pour le corps humain. Si elle est infectée ou infiltrée, tout l’appareil public s’écroulera (si ce n’est déjà le cas). Leçon : un Etat, une armée républicaine.
Mamadou Ndala Mustapha reçoit à titre posthume, le prix Patrice Emery Lumumba
« C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. Je suis responsable de ma rose. »*** Tout ce temps passé à pleurer cette icône de la fierté congolaise, je réalise enfin, combien, il représentait un symbole mémorable à mes yeux.
Mamadou tu dors, tu te reposes, tu as fait un boulot exceptionnel. Une manière de t’honorer, c’est de marcher sur tes traces. Tu es notre modèle et notre repère. Ton combat ne vient que de commencer. Sois sans crainte.
Sur cette note, et me référent en ma qualité de fille légitime idéologique de Lumumba, daigne recevoir de là où tu es au ciel, le Prix que je décerne toujours aux personnes exceptionnelles (le premier à le recevoir était le Dr gynécologue Dennis Mukwege), aux étoiles du monde, aux lumières d’Afrique. Le Prix Patrice Emery Lumumba, venant droit du plus grand de nos héros nationaux. La cagnotte ? C’est le mérite et la reconnaissance de ton combat et surtout te remercier par le fait que, pour une nième fois, tu as rassemblé les citoyens congolais au tour d’une même cause. L’avenir du Congo est beau.
« Les serpents sont méchants, ils peuvent te mordre pour le plaisir… ce qui rassure ce qu’ils n’ont plus de venins pour la seconde morsure ».*** Comprenne qui voudra.
Que dire d’autre ? Bonne année 2014, tout de même.
*** Légende: Passages tirés dans le Petit Prince de A.S Exupéry.